Un goût amer transatlantique

Cette année démarre en beauté avec un repas bien sympathique au restaurant l’O à la bouche à Béthune où nous avons réussi à trouver un petit coin pour discuter entre nous ! Nous avons discuté de notre livre de janvier : « Un goût de cannelle et d’espoir » de la jeune auteur américaine Sarah Mc Coy.

Ce livre que nous avions choisi un peu au hasard est une bonne surprise. Tout d’abord par son rythme et son tempo, assez dynamiques qui nous promènent sur deux continents, en Allemagne à la fin de la deuxième guerre mondiale et au Texas en 2007.

Une journaliste Reba Adams, journaliste à El Paso, souhaite faire un article sur une boulangerie allemande dont elle a entendu parlé pour le journal local. Elle souhaite mettre en avant les traditions allemandes de Noël et de fin d’année. Pour cela, elle rencontre Elsie Meriwheter et sa fille Jane, au milieu des brötchen, des schaumküsse et autres lebkuchen. Les confidences vont poindre le bout de leur nez d’un côté comme de l’autre et on découvre des vies tout à fait particulières, que ce soit du côté de Reba et de son compagnon, pas toujours faciles à suivre, ou du côté de Jane et de Elsie, cette dernière qui progressivement va livrer ses terribles secrets.

Elle ne peut pas en effet raconter les traditions allemandes de ma fin de l’année car comme elle le dit très bien, elle n’a jamais connu la normalité dans son pays. Elle a d’abord vécu sous les nazis et le national socialisme dans les années 30, puis sous les bombes et la guerre, et enfin, sous l’occupation américaine qui, malgré l’opinion de ses parents, n’était pas si dramatique.

Ses parents étaient des boulangers courageux, patriotes aveuglés par le message du Reich. Leur fille ainée a elle-même fait don de sa personne pour faire naître de bons aryens dans un lebensborn dont on apprend le fonctionnement et la terrible et triste mentalité à travers le livre. Hazel finira par y laisser sa vie.

Mais sur la photo, vous êtes si élégante. Où vous rendiez vous ? 
Elsie sortit de sa bouche une peau de raisin qui s’était coincée entre ses dents.
Reba écouta le magnétophone qui tournait toujours.
– A une fête nazie ? 
– J’étais allemande.
– Et donc, vous souteniez les nazis ? 
– J’étais allemande, répéta Elsie. Être nazi est un positionnement politique, pas une ethnie. Le fait que je sois allemande ne fait pas de moi une nazie.
– Mais vous alliez à une de leur fête ? 
– J’étais invitée par un officier pour Weihnachten, une fête de Noël. Alors j’y suis allée.
Reba lui lança un regard perplexe. 
– Ça n’a rien de différent avec ici, continua Elsie. Vous pouvez aimer et soutenir vos frères, maris et pères, vos soldats sans pour autant adhérer à la politique qui sous-tend la guerre. Je le vois tous les jours à Fort Bliss.
Elle s’adossa à son siège.
Reba s’éclaircit la voix. 
– Vous ne pouvez tout de même pas comparer le régime nazi avec les Américains en Irak, c’est totalement différent. 
Elsie ne cilla pas.
– Vous savez tout ce qui s’y passe ? Non. C’était pareil pour nous à l’époque. Nous savions que certaines choses n’étaient pas bien, mais nous avions trop peur pour changer ce que nous savions, et encore plus peur de découvrir ce que nous ne savions pas. C’était notre patrie, nos hommes, notre Allemagne. 

Elsie a 15 ans dans cette Allemagne de 1945, bientôt en déroute. Elle voit tout cela de loin et s’étonne qu’on puisse détester les juifs, dont le petit Tobias est le fier représentant. Quoi ? Tuer ce petit garçon innocent ? Plutôt le cacher sera sa réponse.

C’est ce secret qu’elle devra cacher à ses parents au péril de sa vie.

« En Allemagne, je me souviens des juifs sans rien à manger, mon pére essayant de faire tourner notre boulangerie avec une tasse de sucre par semaine. Des Noëls froids. Si froids qu’on pouvait geler sur place. Des soldats ivres en uniforme de laine. Des marques de bottes sales sur la neige. Des familles incapables de se réunir et des secrets qui n’avaient rien à voir avecSaint- Nicolas, les rennes ou la magie…. »

Ce qui est intéressant dans ce livre c’est la découverte de ces ledensborn, de ces vies conçues par idéalisme et des êtres humaines qu’elles contenaient. Hazel est tellement embrigadée qu’elle parle des trois enfants qu’elle met au monde comme d’étrangers. Un parallèle peut être tracé entre cette histoire de Elsie qui cache Tobias et les mexicains que Rikki doit mettre dehors parce qu’ils ne sont pas américains. Aujourd’hui, si vous aidez un migrant vous faîtes de la prison avec sursis. L’histoire ne nous apprend donc rien ?

Aujourd’hui ma petite fille Jacquelyn m’a demandé si je pouvais écrire une chanson pour les Jonas brothers. Elle joue leurs chansons sur son synthétiseur. Je lui ai dit qu’ils me rappelaient les Monkees. Elle m’a regardé, l’air incrédule et m’a dit:  » Les singes chantaient, de ton temps? » J’ai ri, mais je me rends compte à quel point je suis vieux pour ces enfants. Comme leurs esprits sont jeunes et ignorants de l’histoire. Je me demande s’il vaut mieux pour eux qu’ils restent ainsi, innocent et naïfs. Devrions nous enterrer nos souvenirs barbelés pour éviter qu’ils transpercent leurs coeurs?

Un bon repas au restaurant l’ô à la bouche.

7 réflexions sur “Un goût amer transatlantique

  1. J’ai lu ce roman cette été : je me suis très vite attaché aux personnages, l’intrigue dure jusqu’au bout. C’est un livre très émouvant, qui nous fait découvrir le quotidien des familles lors de la deuxième guerre mondiale à travers l’histoire d’une jeune fille…. Un excellent libre qui a tout pour plaire émotion, intrigue, suspense.

    1. C’est vrai ! Jusqu’au bout du livre, on se pose des questions. C’est un « page turner » !

  2. A travers ce livre nous plongeons dans la vie de la population dans l Allemagne nazie. Les penuries, l autoritarisme SS, l endoctrinement, et aussi la violence et les exigences des Lebensborn sont abordés au travers de cette famille de boulanger. Une famille déchirée entre le patriotisme allemand et la solidarité humaine au delà des convictions et des clivages religieux et culturels … Magnifique feedback entre deux époques, et l’Allemagne et l’Amérique. Très beau, mais bouleversant….

  3. Comme Christelle, j’ai trouvé les personnages très attachants. On imagine très bien cette boulangerie , son ambiance, …Quant au thème principal, la solidarité au delà des croyances, des origines, il est plus que jamais d’actualité.

    1. Choisi un peu par hasard ce livre fut un vrai coup de cœur.
      Destin bouleversant de la jeune Elsie qui va découvrir les atrocités de la guerre .
      Désillusions et réalités qui tranchent avec l’ambiance chaleureuse de la boulangerie .

  4. J’ai choisi ce livre un peu par hasard et c’est devenu un coup de cœur. Destin poignant de la jeune Elsie qui va découvrir les atrocités de la guerre
    À lire !!

  5. Choisi un peu par hasard ce livre fut un coup de cœur.
    Destin bouleversant de la jeune Elsie qui va découvrir les atrocités de la guerre.

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